Comment les cabinets de conseil en stratégie se sont-ils adaptés à la « grande démission » ?

La « grande démission » ou « Great Resignation » décrit la démission massive des salariés, initiée lors de la crise pandémique aux États-Unis, à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Découvrez comment les cabinets ont essayé de s’y adapter.

June 22, 2022 Analyse

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Comment les cabinets de conseil en stratégie se sont-ils adaptés à la « grande démission »

La « grande démission » ou « Great Resignation », est un terme utilisé par le professeur Anthony Klotz, de l’université Texas A&M. Il décrit la démission massive des salariés, initiée lors de la crise pandémique aux États-Unis, à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Selon McKinsey, dans une étude publiée en septembre 2021, pas moins de 40% des salariés ont envisagé de quitter leur emploi dans un horizon de 3 à 6 mois. Les consultants en stratégie, avec leurs horaires extensibles et dont la pandémie a interrompu en partie la vie sociale qui leur permettait une décompression bienvenue, ont particulièrement été concernés. Pour contrer ce phénomène, les cabinets de Conseil en stratégie ont tenté de s’adapter en compensant entre autres avec une hausse des salaires. Pourtant, plus que jamais, les attentes des générations Y et Z ne sauraient s’arrêter au seul aspect financier. Une amélioration des conditions de travail et une quête de sens affirmée sont demandées par ces générations.

Découvrez à travers cet article comment les cabinets ont essayé de s’adapter à la grande démission en mettant au cœur de leur stratégie de développement les attentes des générations Y et Z.

Un modèle historique de travail exigeant qui provoque un turnover aux effets délétères

La sortie du covid-19 a causé une surcharge du travail conséquente

La crise pandémique, source d'incertitudes, a gelé une grande partie de l’activité des cabinets de Conseil en stratégie. En 2020, selon une étude de Syntec Conseil, l’activité de Conseil en stratégie a diminué de 7.2% à 10% pour les plus petits cabinets. En effet, les entreprises ont réduit considérablement leurs dépenses, tandis que les confinements à répétition ont perturbé l’organisation des missions. Dans ce contexte, les cabinets de Conseil en stratégie ont fortement diminué leurs recrutements avec une baisse de moitié pour certains, voire un gel complet pour d’autres. Par la suite, la forte reprise de 2021 (+11%, Syntec Conseil) a alors soumis les équipes à de fortes tensions, et encouragé une reprise des recrutements. Un article de Consultor de la même année faisait état de certaines semaines à 70 heures pour des consultants surmenés. Le taux de staffing atteint même 100% pour certains cabinets, contre 70% en temps normal. La bonne nouvelle de la reprise ne saurait mettre de côté les problèmes d’en temps des cabinets de Conseil en stratégie, exacerbés par la crise du covid-19. La conjoncture, entre cabinets sous-staffés, évènements sociaux mis en pause et quête d’un cadre de travail plus équilibré a alors démontré les effets délétères d’un turnover qui pourrait devenir excessif. À court terme, cela perturbe l’équilibre du staffing des missions. À moyen-long terme, cela a également des effets structurels très concrets, avec un impact négatif sur la féminisation de la hiérarchie à partir du milieu de la pyramide.

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Modification de l’organisation du travail avec le Covid-19

Les consultants accordent beaucoup d’importance à l’aspect humain de leur métier qui se traduit par des relations entre équipes et avec les clients. La nouvelle organisation du travail apparue suite au covid-19 a mis à mal la proposition de valeur de devenir consultant : l’humain. Fini les déplacements en mission, les séminaires et les événements sociaux du cabinet, remplacés par les visioconférences et le travail à distance. Un peu exagéré certes mais beaucoup de consultants ont perçu de cette manière l’impact de la crise sur leur organisation et conditions de travail. Le télétravail permet d’avoir une organisation peut-être plus flexible pour les cabinets mais en contrepartie il diminue le contact humain. Les horaires sont toujours aussi importants, si ce n’est plus, avec le télétravail et la reprise de l’activité. La vie sociale des cabinets en est impactée, or elle était un atout considérable parce qu’elle permettait de créer du lien entre les consultants. Certains n’y trouvent donc plus leurs comptes.

Manque de sens : un rapport au travail différent pour les générations Y et Z

Le manque de sens dans les cabinets de Conseil en stratégie affecte particulièrement les générations Y et Z qui ont des attentes différentes des autres générations, parmi lesquelles :

  • Alignement des valeurs : Les générations Y et Z sont plus sensibles à la notion de sens et d'impact social de leur travail. Elles veulent travailler pour un cabinet qui partage leurs valeurs et qui a un impact positif sur la société. Notamment sur les sujets sociaux et environnementaux.
  • Impact direct : Les générations Y et Z veulent avoir un impact direct sur leur travail et elles veulent être reconnues pour leurs compétences et leurs contributions. Elles portent tout autant d’importance au lien humain mais ne veulent pas se conformer aux autres, et éviter tout ce qui est du « bullshit ».
  • Équilibre vie professionnelle-vie privée : Les générations Y et Z portent beaucoup d’importance au bien-être et ne veulent plus sacrifier leur vie privée pour leur vie professionnelle.

Les consultants en stratégie se sentent parfois comme des exécutants plutôt que comme des créateurs, et ils peuvent avoir le sentiment que leur travail n'a pas d'impact réel. Il y a une vraie remise en question du sens du travail et des missions après le covid-19. Ce sentiment de manque de sens peut conduire à un taux de turnover élevé chez les consultants des générations Y et Z, 25% en moyenne chaque année, et même plus pour ces générations à la sortie du covid-19.

Pour répondre à ce défi, les cabinets de conseil en stratégie doivent repenser leur approche du travail. Ils doivent mettre davantage l'accent sur le sens et l'impact, en plus des compensations salariales.

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Au-delà de la hausse des salaires, une importante nécessité de transformer les cabinets de l’intérieur

Augmenter les salaires des consultants en stratégie face à la surcharge

Pour compenser la surcharge de travail, les cabinets se sont penchés sur le levier traditionnel de la rémunération. En effet, c’est le plus simple et le plus rapide des leviers à mettre en place. Suivant de peu les banques d’investissements, concurrents traditionnels pour le recrutement de juniors, les MBB ont augmenté leurs salaires de base de 10 à 15% aux États-Unis, impulsant un mouvement général, notamment vers la France et les autres cabinets. Désormais, un consultant junior peut prétendre en moyenne à un package de 60K€/an dans les meilleurs cabinets de la place parisienne. Pour certains cabinets, notamment les MBB, le package peut monter jusqu’à 70K€/an. Dans un article de Consultor, Olivier Vitoux, partner de CVA à Paris, témoignait que le package d’entrée été rehaussé début janvier 2022 aux alentours de 65K€ pour coller à celui des MBB. Après quelques années, les salaires augmentent aussi, avec une hausse de 10 à 15% chaque année, et une revalorisation conséquente à chaque passage de grade. Dans ce même article de Consultor, le Partner d’un MBB évoque même une hausse de 25% des rémunérations en 2022 au grade de manager. C’est le grade le plus à risque avec le turnover le plus élevé, puisqu’après 3 à 4 ans en moyenne, les consultants commencent à partir du cabinet. Les packages annoncés incluent à la fois la part fixe et la part variable du salaire, et il n’est pas rare de voir les cabinets revoir à la hausse les bonus pour faire gonfler ces packages. Enfin, les cabinets s’efforcent de proposer aussi d’autres avantages financiers en complément du salaire.

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Améliorer l’organisation et les conditions de travail pour garantir l’équilibre des consultants

Les cabinets de Conseil en stratégie cherchent également à proposer un cadre de vie quotidien plus respectueux des équilibres vie-pro vie-perso, à la fois avec une restructuration de l’organisation du travail et aussi avec une évolution des conditions de travail.

En termes d’organisation du travail, la crise covid-19 a fortement impacté le métier de consultant en stratégie. Désormais, les déplacements des consultants se sont réduits et le télétravail s’impose. Pour certains, comme évoqué précédemment, les transformations de l’organisation du travail ont enlevé du liant entre les équipes, effaçant quelque peu l’aspect humain du métier de consultant. Mais à vrai dire, les cabinets ont aussi réussi à s’adapter en proposant une plus grande flexibilité. Il est toujours possible de venir au bureau et les déplacements chez le client ne sont pas terminés. À l’inverse, le télétravail permet aux consultants de passer plus de temps chez eux et avec leurs proches, améliorant au passage leur condition de travail.

Les conditions de travail peuvent se définir par les variables qui influencent l’équilibre vie pro vie perso. Plusieurs facteurs sont à considérer lorsque sont évoquées les conditions de travail. D’abord, il y a les horaires extensibles et la surcharge liée aux missions. Les cabinets de Conseil en stratégie font des efforts à ce sujet. Par exemple, Bain a mis en place un système de night off, qui garantit à chaque consultant un jour par semaine où il ne partira pas du bureau après 19h. EY-Parthenon a quant à lui un système hebdomadaire de suivi des horaires où toutes les semaines, les consultants remplissent un fichier horaire avec un code couleur associé au rythme imposé. Les couleurs vont de vert à rouge, et s’il y a trop de rouge, une alerte est remontée au niveau des Partners pour adapter la suite de la mission. Dans la plupart des cabinets, après chaque mission intense avec de longs horaires à répétition, il y a aussi la possibilité d’être « sur la plage » ou « on the beach ». Dans ce cas-là, pour une période de courte durée, le consultant ne travaille pas sur une mission pour un client mais directement pour le cabinet. Il peut s’agir par exemple de travailler sur des propositions commerciales ou sur de la recherche. D’autres éléments très importants sont également mis en place par les cabinets tout au long de la vie des consultants, notamment quand ils deviennent parents. À titre d’exemple, Bain, Roland Berger ou McKinsey ont décidé d’allonger la durée légale du congé paternité de 28 jours à 56 jours. PMP Strategy a quant à lui mis en place la semaine de 4 jours sans retrait de salaires pour les jeunes parents. De plus, certains cabinets offrent la possibilité aux salariés de faire des pauses de quelques mois pour réaliser un projet personnel. Si votre projet est accepté, vous avez alors la garantie de retrouver votre poste à la fin de celui-ci avec les mêmes responsabilités et conditions salariales.

Ajouter du sens aux missions et dans le développement du cabinet pour avoir de l’impact

Depuis quelques années maintenant, les générations Y et Z aspirent à avoir du sens dans leur travail et des cabinets de Conseil en stratégie qui ont des valeurs alignées aux leurs. Le covid-19 a justement été un bon catalyseur de ces sujets, boostant la quête de sens des cabinets qui doivent répondre à la fois aux attentes de leurs clients et à celles d’une nouvelle génération de jeunes consultants qui désirent s’émanciper dans leur travail. Plusieurs domaines sont concernés, les principaux étant l’impact environnemental et l’impact social.

Pour ce qui est de l’impact environnemental, les cabinets de Conseil en stratégie commencent à développer des initiatives de plus en plus poussées en interne, initiatives généralement portées par les jeunes consultants. Par exemple, chez McKinsey, chaque bureau à une Green Team pour développer les sujets liés à l’environnement au sein du cabinet. Chez Bain, ce sont les sujets liés au développement durable qui se sont développés ces dernières années, notamment avec une demande croissante des investisseurs en Private Equity sur cette dimension. Le BCG a pris les devants sur les sujets environnementaux, à la manière du nouveau CEO du BCG, Christoph Schweizer, qui a demandé aux « activistes du climat » de rejoindre le monde du conseil dans une interview au Financial Times. Désormais, tous les cabinets sont capables d’intervenir sur les sujets environnementaux, que ce soit pour une mission avec une problématique centrée sur l’environnement ou au contraire, en intégrant les enjeux environnementaux sur l’ensemble des missions, quelle que soit la problématique. À l’heure de réduire drastiquement le réchauffement climatique afin d’atténuer le changement climatique, les cabinets de Conseil en stratégie ont plus qu’un rôle central à jouer.

Le sens pour les consultants c’est aussi celui de l’impact social. Il est évident que de plus en plus se pose la question du social dans le Conseil en stratégie. Les cabinets ont pris le sujet à cœur et ont accéléré à la sortie du covid-19. L’impact social du Conseil en stratégie passe en grande partie par les missions pro-bono, les mécénats de compétences et le bénévolat. Les missions de pro-bono des cabinets permettent à des organisations n’ayant pas les moyens de bénéficier des compétences et de l’expertise des consultants en stratégie sur un sujet précis. Pour les consultants, cela leur permet de redonner du sens à leur métier et d’avoir une vraie utilité pour la société. Par exemple, le cabinet Oliver Wyman a réalisé une mission pro-bono en 2020 en réalisant une étude sur les réalités de l’homophobie dans le monde du Rugby, en collaboration avec le magazine Têtu. Le cabinet accompagne également ce magazine LGBT sur d’autres sujets dans le cadre de missions pro-bono qui sont portées par le groupe de travail GLOW. Le BCG quant à lui réalise depuis plus de 25 ans des missions pro-bono pour l’association Hermione-Lafayette qui a construit une réplique de l’Hermione, la frégate qui emmena Lafayette en Amérique en 1780. Les mécénats de compétences ont aussi augmenté ces dernières années, permettant de mettre à disposition ponctuellement des consultants sur des projets pour des organisations non lucratives. D’autres consultants font du bénévolat qui prend une forme plus classique d’actions à impact social avec par exemple du mentorat pour accompagner des élèves en difficultés ou des étudiants en situation de précarité qui cherchent à définir leur projet professionnel, c’est le cas notamment de projets portés par les consultants d’Arthur D. Little.

Enfin, l’impact des cabinets passe également par des associations en interne avec notamment des réseaux de consultants créés pour favoriser l’inclusion de tous et se battre contre les discriminations. McKinsey et Bain ont des réseaux d’associations pour les femmes : Next Generation Women Leaders at McKinsey et Women at Bain. McKinsey a également un réseau Black Leaders on the move. Chez Oliver Wyman, comme évoqué juste avant, il y a un engagement auprès de la communauté LGBT avec le groupe de travail GLOW pour Gay, Lesbian, Bisexual, Trans and Allies at Oliver Wyman. Les choses avancent sur ces sujets et l’inclusion s’améliore depuis déjà quelques années, en témoigne cet article de Consultor en 2022.

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La grande démission a été un moteur de changements et de transformations des cabinets

Pendant la grande démission et à la sortie du Covid-19, beaucoup de consultants ont quitté et les rangs du Conseil en stratégie, même des meilleurs cabinets. Et d’autres ont suivi et continueront de partir après seulement quelques années. Le plus important derrière ça est que la grande démission et le covid-19 ont eu un impact significatif sur la transformation des cabinets dans leur manière de travailler et d’offrir du sens aux générations Y et Z. Désormais, le défi des cabinets sera de maintenir le cap et de faire encore plus, pour qu’à l’avenir les talents ne quittent plus les cabinets à cause de la surcharge du travail, d’un équilibre de vie trop difficile à suivre ou d’un manque de sens.

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